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Voici venue la sapologie féminine! | FOSSETTE

Voici venue la sapologie féminine!

Même si la sape est un milieu plutôt masculin, les sapeurs se défendent de tout machisme. De toute façon, les femmes n’ont pas attendu un quelconque assentiment pour s’imposer. État des lieux avec Richard Zingoula, expert en sapologie*.

On parle de sapeurs mais jamais de sapeuses, macho le milieu des dandys ?

Oui et non. C’est vrai qu’à la base, la société des sapeurs ne concerne que les hommes et pour cause. Les clubs privés des sapeurs se sont organisés autour des anciens combattants qui avaient combattu durant les deux guerres mondiales. C’est cet idéal de l’homme fort revenu vivant de la guerre qu’incarnaient les premiers clubs. Les tous premiers sapeurs jubilaient donc de la victoire par le biais d’un art de vivre aux multiples facettes. L’aspect qui a pris finalement le dessus c’est la sape. «  Je suis bien habillé donc je suis » c’est la maxime des sapeurs. Et, les tenues vues à Paris faisaient et font toujours autorité dans le milieu.

Et les femmes dans tout ça ?

Les conditions économiques des femmes ont connu des mutations positives et donc, elles peuvent dans une certaine mesure rivaliser avec les hommes dans ce domaine. Les femmes sont à ce jour moins visibles surtout sur les réseaux sociaux car, contrairement à la mode vestimentaire masculine, la mode féminine est plus réfléchie et pour cause. Suivant le statut de la femme congolaise (jeune, âgée, mariée, salariée, cadre ou femme au foyer), la culture locale et les événements (femme ayant un bébé, mariage coutumier, fête, deuil, etc.) , le vêtement n’a pas la même fonction. Quoi qu’il en soit, la femme congolaise n’est pas impressionnée plus que cela par les tenues venus de Paris. Elle reste attachée à la mode vestimentaire africaine même si certaines peuvent s’habiller occasionnellement à l’occidentale par imitation et pour varier un peu. Cet attachement est ancré dans leur esprit et relève du besoin de défendre leur identité culturelle et leur appartenance à un continent qui a ses propres valeurs. Ou peut-être auraient-elles compris avant l’heure le manque généré pour l’économie africaine en consommant  le « made in France »

« Chez les sapeuses, il y a en sourdine un message clair envoyé aux hommes qui est celui de la prise de pouvoir ou en tout cas de l’égalité des sexes. »

Reste que la sapologie se féminise aujourd’hui, pourquoi selon vous ?

La sape des femmes congolaises ne datent pas d’aujourd’hui. La femme a toujours eu une garde robe bien garnie en pagnes de haute qualité. C’est un moyen pour elle de constituer un patrimoine à léguer à ses filles. La sape qui se féminise aujourd’hui comme vous le dites c’est la mode vestimentaire extravagante occidentale chez certaines femmes, en tout cas perçue comme telle. En fait j’y vois une démarche féministe comme cela s’est passé il y a quelques années en France. Chez ces sapeuses, il y a en sourdine un message clair envoyé aux hommes qui est celui de la prise de pouvoir ou en tout cas de l’égalité des sexes. Ainsi, sur les réseaux sociaux, accompagnées ou non de leurs maris, les femmes sapeuses rivalisent sur le terrain des grandes marques comme le font les hommes.

Il y a quand même une différence entre les Africaines du Continent et celles vivant en Occident…

Oui, pour des raisons climatiques, la femme africaine installée en Europe est obligée d’adopter la mode vestimentaire européenne. C’est une question de survie. En Afrique où le climat est clément, elle n’a aucune obligation de porter un pantalon et une veste. Au Congo, la température oscille entre 25° et 35°avec un taux d’humidité très élevé. Et dire que chez les hommes, le costume-cravate fait autorité, c’est vraiment ridicule. Si les femmes veulent rejoindre le camp ridicule des hommes, elles sont les bienvenues alors. En portant des habits africains, la femme est plus originale et défend son identité africaine, elle est plus belle et plus décente. C’est l’avis de la majorité des hommes.

Les femmes ont-elles un autre rapport à la sape que les hommes? Se sentent-elles obligées de s’habiller de façon masculine?

La femme congolaise est très attachée à la mode africaine ne serait-ce que pour les fonctions que procure le pagne. Par exemple, attacher son bébé sur le dos est une fonction essentielle du pagne. Donc, in fine, même lorsque la femme congolaise se lance dans la mode masculine, il y a une réalité qui la rattrape. Il faut savoir que le landau est perçu comme un abandon qui induit une coupure déstabilisante pour l’épanouissement du bébé car, ce dernier doit rester en contact avec sa maman durant au moins un an dans la culture congolaise. Le pagne (ou le surpagne ) peut être utilisé pour se couvrir ou même couvrir un lit instantanément. On peut ainsi multiplier les possibilités d’usage qu’offre le port du pagne. D’ailleurs la littérature sur la mode vestimentaire des femmes africaines est unanime pour reconnaitre le caractère esthétique, original et créatif de cette mode dont l’élément essentiel est le pagne wax ou fancy. La mode féminine africaine comme toutes les modes, est avant tout un fait culturel.

La mode vestimentaire féminine basée sur le pagne est un moyen pour s’identifier et conserver son authenticité. Cela est aussi perçu comme une forme de résistance à l’invasion de modèles vestimentaires européens considérés comme impudiques.

N’oublions surtout pas la dimension économique induite par le port des habits africains. Autant les hommes enrichissent les grandes enseignes occidentales pour s’habiller, autant les femmes africaines créent de l’emploi (et donc de la richesse) en faisant tourner les ateliers de confection du continent. Je pense que les femmes devraient encourager les hommes à aimer les productions locales afin de dynamiser le secteur économique surtout qu’on sait que ce secteur est créateur d’emploi.

Mama Africa est une des rares sapeuses de la nouvelle génération et la plus connue de Kinshasa. Elle emprunte aujourd’hui pour pouvoir s’adonner à sa passion, qu’est ce que cela vous inspire ?

Il faut donner du sens à toute démarche humaine. Se poser la question de savoir : Pourquoi, pour qui et dans quel but ? Elle est bien habillée notre Mama Africa. J’observe que notre chère dame porte un nom magnifique et évocateur. Mama Africa me fait penser à la mère nourricière africaine, celle qui cadre le village et protège sa petite famille. Faire la publicité gratuite des grandes marques occidentales ne peut pas être la démarche de la mère nourricière africaine. Elle devrait à mon avis faire la promotion de la mode vestimentaire africaine pour gagner ses lettres de noblesses.

Une nouvelle génération émerge ; parmi elles,  figure Mamie Musau Katumba, dite Mamitcho Kadhitoza, aujourd’hui une des figures montantes de la sape,  est-ce un mouvement qui va se poursuivre ?

Ce mouvement (qu’il soit féminin ou masculin) est voué à l’échec car il n’apporte rien au continent et est basé sur l’imitation aveugle et non réfléchi. A quoi cela sert-il de se faire beau avec des produits que vous ne fabriquez pas? De créer de l’emploi et de la richesse chez les autres ? En somme de s’appauvrir. Bref, pourquoi critiquer la gouvernance africaine si notre propre démarche de consommateur est insensée ?

* Auteur de Sape et appropriation technologique

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