«Dans la vie, si on ne vous laisse pas entrer, passez par la fenêtre ! »

On se l’arrache sur Paris pour le stylisme des séances photo et les chroniques de mode mais ce que Lauren Ekué, sociologue de formation, privilégie, c’est l’écriture. Romancière avant tout, dit-elle, cette jeune femme, qui a fait ses classes chez Inès de la Fressange et les bureaux de presse mode de la capitale, est tout, sauf une victime de la mode !

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Lauren Ekué est un Ovni. Immédiatement repérable avec son fichu noué et son total look noir agrémenté d’une croix XXL à un défilé de mode parisien, elle connait tout le monde et tout le monde sait qui elle est. Petit bout de femme à la voix pointue de Parisienne, elle a été responsable du show room presse chez Giorgio Armani, styliste photo pour un photographe de hip-hop, le plus plébiscité des stars mondiales du hip hop américain et français –« Ah, les concerts de Jay-Z ! »_, participé au lancement du magazine Chocolate -c’est à elle que le Mag doit son nom- et c’est Lou Doillon qui la fait passer en douce quand elle veut assister à une vente presse Margiela. Bref, rien n’a l’air de vraiment l’impressionner. Et ce n’est pas les petites blessures de la vie qui l’ont arrêtée.

« Travailler dans le milieu de la mode à Paris, c’est encore se confronter à des préjugés. Je me souviens très bien, lorsque j’apportais des sacs de shopping dans certains salles de rédaction, les regards s’attardaient lourdement sur moi et en effet, il n’y avait pas d’autres noirs dans la pièce. C’est incroyable parce qu’à New-York, j’ai rencontré un rédacteur pour le Vogue Japon ; c’était un homme, noir, et handicapé ! »

« Être noir, être une femme noire, c’est aussi vivre des choses magnifiques »

Pourquoi avoir quitté New York alors ? « Parce que j’ai peur de ma mère ! Allez lui dire, vous, que sa fille s’installe à Manhattan, vous verrez ! » éclate de rire Lauren qui a, à l’époque il est vrai, à d’autres projets en tête. Celui de poursuivre sur la voie de la littérature après avoir confié son manuscrit à un ami, conquis. « Icône urbaine » est suivi par « Carnet Spunk », « Black Attitude » et quelques essais plus tard, elle impose une écriture à la fois urbaine et novatrice, plus « fun » que celles de Toni Morrison ou Calixte Beyala dont les écrits l’ont nourrie mais à qui elle reproche de manquer de légèreté.

« La condition noire ne doit pas se résoudre à des œuvres sombres ou violentes. Être noir, être une femme noire, c’est aussi vivre des choses magnifiques, drôles, etc. » Une vision viscéralement positive de la vie dotée d’un féminisme auquel elle s’est formée à Paris 8 auprès de Josette Trat, fondatrice des célèbres Cahiers.

Black Attitude #1, Ainsi, sur fond de satyre des élites africaines et de portraits subtils d’héroïnes noires bien décidées à prendre toute leur place dans ce monde, à l’instar de l’Antigone de Jean Anouilh, son premier déclic littéraire, Lauren Ekué dessine peu à peu les contours d’un nouveau genre. Et que les maisons d’éditions traditionnelles ne soient pas prêtes n’est pas un problème. Il y a les autres… « Je dis toujours aux gens, si vous avez vraiment envie de faire quelque chose, allez-y. La porte est fermée ? Vous n’avez qu’à passer par la fenêtre. »

La vie buissonnière, en somme.

Black Attitude #1. Roman. Éditions Anibwé, Paris 2011. 256p. Carnet Spunk. Essai. Éditions Anibwé, Paris 2010. 68p. Icône Urbaine. Roman. Éditions Anibwé, Paris 2005. 160p

 

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