Le médecin qui venait d’ailleurs

Imaginez la tête des villageois d’un bourg reculé voyant débarquer un médecin noir et sa famille. Nous ne sommes pas au XIXe mais dans les années 70 ; et c’est le récit du film-hommage de Kamini à son père, le médecin de Marly-Gomont en Picardie où il passa son enfance.

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Dans Bienvenue à Marly-Garmont, Kamini raconte son enfance à Marly-Gomont, en Picardie, où il a débarqué dans les années 70 pour suivre son père, Seyolo Zantoko, un médecin zaïrois ayant choisi de faire carrière en France. “Ce qui est très intéressant dans ce film, c’est qu’il y a un inversement du rapport de classes, souligne Aïssa Maïga*1. Pour une fois, ce sont les noirs qui sont les plus éduqués et les plus bourgeois. » Ce qui ne facilite pas pour autant leur intégration. Les débuts de Seyolo Zantoko comme médecin dans ce petit village ne sont, en effet, pas un long fleuve tranquille. Et même s’ils sont loin d’être aussi cruels que ceux de Sidney Poitiers qui, dans La porte s’ouvre (No Way Out) (1950) (USA): affronte le racisme sauvage de Richard Widmark ou des déboires du docteur Benton (ER) dans un Sud où la suprématie blanche fait pour certains office d’idéologie, la famille se heurte au rejet de villageois qui n’ont jamais vu de noirs de leur vie. Nous sommes pourtant dans les années 70. Deux siècles plus tôt, François Fournier de Pescay, médecin d’origine haïtienne né à Bordeaux ou plus précisément, dans un bateau qui le conduisait de la colonie de Saint-Domingue à Bordeaux, en 1771, parvenait à devenir chirurgien.

Premier médecin noir en France

Il y avait pourtant très peu de personnes noires en France. Probablement pas plus d’un millier selon les estimations de Robert Fikes, professeur de l’université d’Etat de San Diego. Rien n’arrête François qui contribue même à la fondation de la Société de médecine de Bruxelles, ville dans laquelle il s’installe en 1799. C’est dans ce pays qu’il se consacre pleinement à l’étude et à la pratique de la médecine. Il deviendra même professeur-directeur de l’Ecole spéciale de médecine de Strasbourg.

« L’Homme qui venait d’ailleurs», téléfilm réalisé par François Luciani, raconte quant à lui l’arrivée, dans les années 1890, d’un Antillais formé aux techniques de pointe de la médecine qui s’est installé dans la campagne charentaise. « Ils étaient même plusieurs ! a découvert la scénariste Virginie Brac en fouillant dans les archives. On est en pleine période coloniale, et les seuls noirs connus
du Français moyen sont exhibés dans des cages lors des expositions coloniales… Une scène choc du film rappelle d’ailleurs cette terrible réalité. « Le docteur Adelaïde est un vrai bourgeois,
éduqué comme tel, comme le père de Kamini, qui se lie d’amitié au maire (Jérôme Anger) et se croit accepté, résume l’auteur. Mais en voyant ses semblables en cage, il va réaliser ce qu’il représente pour les autres. Pour Virginie Brac, cette recherche d’intégration et d’identité est « une problématique très actuelle ».

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La Télévision peut se faire l’écho d’expériences positives à l’instar du reportage de France 3 consacré à Désiré Nanji, médecin noir dans la campagne ardennaise. Ce jeune médecin est installé à Buzancy (Ardennes). Apprécié de tous au point d’être élu 1er adjoint au maire, son cheval de bataille est… la désertification médicale dans les campagnes.

*1 Cheek Magazine

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