\u00c9lue Miss Mayotte en ao\u00fbt dernier, Ramatou Radjabo a \u00e9t\u00e9 la cible d\u2019insultes et de remarques racistes sur les r\u00e9seaux sociaux, moquant notamment sa coiffure afro. Comment expliquer un tel d\u00e9ferlement de violence, encore aujourd\u2019hui?<\/strong><\/p>\n Les r\u00e9seaux sociaux servent de d\u00e9versoir \u00e0 la haine de l\u2019autre, ils charrient une dose de violence verbale inou\u00efe. Quoi de plus facile que d\u2019insulter derri\u00e8re un \u00e9cran, prot\u00e9g\u00e9 par un pseudo\u00a0? Le fait que les identit\u00e9s soient masqu\u00e9es et que l\u2019interaction soit virtuelle produit de nouvelles formes de lynchages. Concernant les insultes sur les cheveux de Ramatou Radjabo, cela r\u00e9v\u00e8le que les cheveux afro naturels ne sont toujours pas per\u00e7us comme une norme esth\u00e9tique valoris\u00e9e. Ces marques de m\u00e9pris sont r\u00e9currentes. Rappelons qu\u2019en avril dernier, le journal Voici se moquait de la coupe afro d\u2019Omar Sy et que Public comparait la coupe de Solande Knowles, la s\u0153ur de Beyonc\u00e9, \u00e0 un \u00ab\u00a0dessous de bras\u00a0\u00bb. Cette d\u00e9valorisation du cheveu cr\u00e9pu est profond\u00e9ment ancr\u00e9e dans la repr\u00e9sentation de la beaut\u00e9 en Occident. <\/em><\/p>\n Sonia Rolland et Flora Coquerel disent avoir elles aussi subi de telles attaques alors qu\u2019elles sont m\u00e9tisses, est-ce \u00e0 dire qu\u2019une miss France doit \u00eatre Blanche aux yeux d\u2019une partie de nos concitoyens\u00a0?<\/strong><\/p>\n En effet, Sonia Rolland a re\u00e7u pr\u00e8s de 2000 lettres d\u2019insultes suite \u00e0 son \u00e9lection en 2000, deux ans avant que Jean-Marie Le Pen n\u2019arrive au second tour de l\u2019\u00e9lection pr\u00e9sidentielle… Flora Coquerel a \u00e9galement subi de nombreuses insultes racistes. Ces r\u00e9actions de rejet, face \u00e0 une beaut\u00e9 f\u00e9minine non blanche cens\u00e9e repr\u00e9senter la France, r\u00e9v\u00e8lent la force toujours vivace d’une perception raciste de la beaut\u00e9.<\/em><\/p>\n Est-ce l\u2019\u00e9chec du r\u00eave d\u2019une France m\u00e9tiss\u00e9e\u00a0?<\/strong><\/p>\n La France est d\u2019ores et d\u00e9j\u00e0 et depuis longtemps m\u00e9tiss\u00e9e et multiculturelle, ce n\u2019est pas un r\u00eave\u00a0! Ces r\u00e9actions montrent en revanche qu\u2019il y a un v\u00e9ritable \u00e9chec collectif \u00e0 \u00e9duquer en profondeur sur ces questions et qu\u2019une partie de nos concitoyens ne parviennent pas \u00e0 accepter notre pays tel qu\u2019il est. <\/em><\/p>\n Ce qui peut para\u00eetre plus surprenant encore, c\u2019est qu\u2019\u00e0 Mayotte m\u00eame, certains voudraient que Ramatou Radjabo se coiffe diff\u00e9remment. C\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 la mode europ\u00e9enne, un comble non\u00a0?<\/strong><\/p>\n La domination de la norme blanche sur la production des standards de beaut\u00e9 n\u2019a pas de fronti\u00e8re, elle est mondiale. Il suffit de regarder les publicit\u00e9s en Inde qui v\u00e9hiculent le culte de la blancheur, ou en Asie la promotion des yeux \u00ab\u00a0d\u00e9brid\u00e9s\u00a0\u00bb\u2026 L’affirmation de crit\u00e8res de beaut\u00e9 pour soi, en dehors des crit\u00e8res h\u00e9g\u00e9moniques de l\u2019industrie de la beaut\u00e9 et des m\u00e9dias, mais aussi du regard des hommes (Blancs comme Noirs), repr\u00e9sente un immense d\u00e9fi pour les femmes noires des quatre coins de la plan\u00e8te\u00a0!<\/em><\/p>\n En n\u2019adoptant pas les canons de la beaut\u00e9 fix\u00e9e par une partie des habitants de notre pays, Ramatou n\u2019est-elle pas le symbole d\u2019une certaine r\u00e9sistance face \u00e0 des normes dict\u00e9es par les magazines\u00a0?<\/strong><\/p>\n Les magazines f\u00e9minins adh\u00e8rent \u00e0 une conception marchande et mondialis\u00e9e de la beaut\u00e9 noire qui sert leurs objectifs commerciaux mais r\u00e9pond aussi \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 des pratiques esth\u00e9tiques les plus r\u00e9pandues. Beaucoup de femmes n’ont pas \u00e9t\u00e9 \u00e9duqu\u00e9es et socialis\u00e9es pour s’occuper de leurs cheveux cr\u00e9pus. Dans de nombreux secteurs professionnels aussi, on constate que les cheveux cr\u00e9pus sont encore difficilement accept\u00e9s. Ramatou peut \u00eatre le symbole d\u2019une r\u00e9sistance parce qu\u2019elle s\u2019inscrit dans le mouvement nappy (natural and happy), qui en pr\u00f4nant le cheveu naturel, joue un r\u00f4le de contre-pouvoir sur l\u2019\u00e9chiquier des repr\u00e9sentations de la beaut\u00e9. Le succ\u00e8s croissant de ce mouvement montre la n\u00e9cessit\u00e9 de la r\u00e9appropriation pour les femmes de leur propre corps. Et les magazines commencent \u00e0 s\u2019y int\u00e9resser, car cela touche leur lectorat\u00a0! En s\u2019inscrivant dans le registre du bien-\u00eatre, ce mouvement permet aussi \u00e0 de plus en plus de femmes de se r\u00e9concilier avec leurs cheveux sans pour autant affirmer un discours politique ou militant. Il est \u00e9galement renforc\u00e9 par le d\u00e9veloppement d’un march\u00e9 offrant des produits qui permettent de s’occuper des cheveux cr\u00e9pus et fris\u00e9s qui r\u00e9pondent aux normes actuelles de la consommation. <\/em><\/p>\n Le dernier livre de Rokhaya Diallo, \u00ab\u00a0Afro\u00a0\u00bb, montre la richesse de ce mouvement \u00e0 travers 100 portraits. <\/em><\/p>\n \u00a0<\/em><\/p>\n \u00a0<\/em><\/p>\n <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" La focalisation d\u2019une partie de l\u2019opinion sur le physique de Miss Mayotte interroge sur la capacit\u00e9 de notre pays \u00e0 accepter qu\u2019une jeune fille de type africain puisse acc\u00e9der au tr\u00f4ne de Miss France. D\u00e9cryptage avec Virginie Sassoon, auteur de l’Essai \u00ab\u00a0Femmes noires sur papier glac\u00e9\u00a0\u00bb. \u00c9lue Miss Mayotte en ao\u00fbt dernier, Ramatou Radjabo a… <\/p>\n