Par Marie-Line Parker
PH Andrea Piacquadio Styling Beatrice Garzia

Photo Ph Andrea Piacquadio, Stylisme Beatrice Garzia, Modèle Katerina Pischala
J’ai 48 ans, je suis une jolie femme, je suis cultivée, j’ai beaucoup d’humour – c’est ce que disent de moi mes amies, et j’ai beaucoup d’amies qui m’aiment vraiment, je le sais. Je suis ce qu’on appelle quelqu’un de populaire.
J’aime m’acheter des fringues, des produits de beauté, m’occuper de moi est un plaisir. Je suis joyeuse, je ne fais pas mon âge. Je suis la fille à qui on demande des conseils.
Je suis chaste depuis dix ans – à peu près, je ne sais pas, je ne compte pas, c’est pour moi un non-événement.
Oh, ce n’est pas du militantisme, ni une décision que j’ai prise, c’est comme ça, c’est tout. C’est juste que je ne sais pas où mes amies – ou plus généralement les autres femmes trouvent les hommes dont elles ont envie, pour moi ça n’arrive pas.
Il y a quelques années, une psy m’a presque reproché de n’avoir pas couché avec assez d’hommes. La question est: à quoi ça sert? Je sais que je sacralise le sexe – pas besoin d’une psychothérapie pour ça. Pour moi, faire l’amour, c’est faire l’amour. Je suis une littéraire.
J’ai été mariée, j’ai fait des enfants, j’ai eu un amant, deux. Un coup d’un soir, aussi. Oui, bon. J’aurais préféré un bon bouquin.
Je sais qu’on pense que je loupe quelque chose, que j’ai une sorte de déficience, mais je m’en fous qu’on le pense. Ce que je sais, moi, c’est que cette chasteté – voulue ou pas – a quelque chose à voir avec ma liberté, cette liberté inaliénable qui me définit plus que tout. On ne me touche pas, on n’empiète pas sur mon territoire, sur mon corps, si je n’aime pas absolument qu’on le fasse.
Je suis heureuse. Je voyage, je m’envole sitôt que je le peux, j’ai cette capacité-là à vivre pleinement les choses, à observer, à savoir me poser. Je n’ai pas besoin d’un partenaire. J’ai envie du grand amour. Sinon rien, merci. L’idée du couple en tant que partenariat, qu’hygiène sociale ou que cohabitation rassurante m’est étrangère – plus que ça: étrange.
En revanche, l’idée que quelqu’un – le grand amour – m’attend peut-être quelque part, me remplit d’un sentiment prégnant, comme une grossesse (le mot est moche, mais c’est bien de ça qu’il s’agit) – un à-valoir sur l’absolu. A cet homme-là je donnerai tout, s’il vient. Je l’aimerai idéalement, sans le changer, sans le contraindre – et il ne le fera pas non plus.
J’y crois. Vraiment. Comment dire? Je me hâte doucement vers cet amour-là.
Je crois aussi – surtout? – que définir les gens par leur sexualité est une erreur que l’on commet par la culture frénétique qui nous y pousse. Que l’on a oublié l’innocence, le secret des portes qu’on ferme.
Et que quelque part, poussés par la peur de vieillir, par la peur d’être seul, on s’oublie soi-même, ce qu’on mérite, ce qu’on veut vraiment.
S’aimer soi-même. Déjà.

 

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