Et soudain, Aïssa Maïga parut

Grâce à sa filmographie, la femme noire au cinéma n’enfile plus forcément le jogging de la jeune fille de banlieue ou la blouse de la femme de ménage sympa. Ambitieuse, brillante, ou simplement maman heureuse en ménage -une rareté au cinéma- Aïssa Maïga ouvre de nouvelles perspectives à toute une génération d’actrices! La fin de l’invisibilité?

Dans Bienvenue à Marly-Gomont, Kamini avait à cœur de montrer qu’un noir pouvait réussir en France dans un autre domaine que le football ou le show-business et l’histoire de son père lui fournissait certes un modèle à suivre pour la jeunesse issue de l’immigration mais aussi l’occasion de changer le regard sur les noirs en France.

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Car le cinéma, aussi éclairant soit-il parfois, n’avait jusqu’ici pas fait grand-chose pour sortir de l’image étriquée du noir de banlieue au mieux pour les hommes, fut-il Oma Sy, et de la femme de ménage devenant l’ange gardien de son patron blanc pour les femmes. (Firmine Richard dans le néanmoins réussi Romuald et Juliette où son jeu éclabousse jusqu’à la prestation d’Auteuil).

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Personne ne peut sous-estimer la portée du film Bandes de filles et la sincérité de sa réalisatrice mais enfin, à quand une fiction s’appuyant sur des personnages de filles noires bosseuses, intégrées, issues de familles métissées, bref, plurielles, comme celles à qui Amandine Gay donne la parole dans son documentaire « Ouvrir la voix ».

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Des femmes à qui l’on rappelle quotidiennement qu’elles ne sont pas blanches : » « On ne peut jamais se fondre dans la masse, être invisibles, c’est-à-dire ne pas être une source de curiosité ou d’angoisse pour l’autre. Nous sommes toujours en alerte, car si l’on oublie qu’on est noire, on va nous le rappeler de manière extrêmement violente. Pour ceux qui grandissent dans un milieu où être noir est la norme, il est extrêmement difficile de comprendre ce que vivent les Noirs en France » » Et toujours, comme le rappelle Le Monde Afrique « l’inévitable question sur les origines (« Tu viens d’où ? »), l’étonnement quand vous maniez à la perfection l’imparfait du subjonctif (« Tu parles bien le français ! ») ou quand vous dites que vous avez fait Sciences Po. » Elles ne sont donc pas prêtes de l’oublier, donc, mais ne se retrouvent nullement dans les médias ; ni au cinéma, ni sur le petit écran, et ne parlons même pas des magazines. C’est un débat entamé avec la polémique suscitée par un billet fort maladroit de Elle et qui n’a débouché sur rien.

On peut comprendre alors l’hommage vibrant de Viola Davis à la réalisatrice Shonda Rhimes, créatrice de Scandal, première série avec une femme noire en premier rôle.

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Grâce à ce metteur en scène désormais incontournable à Hollywood, le public devient accroc à des séries avec des noirs pas forcément délinquants ou pauvres. C’est le premier pas qui compte. En France, on en est loin et c’est pourquoi le parcours de Aïssa Maïga est remarquable. Car que ce soit dans Les Poupées Russes, Je vais bien, ne t’en fais pas, ou Le Marsupilami, elle joue les étudiantes de caractère, les jeunes femmes de tête ou sans scrupule et évite soigneusement les rôles à clichés. Consciente du sillon qu’elle trace, la jeune femme déclarait lors de la promotion de Bienvenue…, “Ce qui est très intéressant dans ce film, c’est qu’il y a un inversement du rapport de classes » Et d’ajouter : Pour une fois, ce sont les noirs qui sont les plus éduqués et les plus bourgeois.

Pour la sortie de Il a tes yeux, de Lucien Jean-Baptiste, dans lequel elle incarne une femme noire qui adopte un bébé blanc, Aïssa se réjouit : «C’est rare au cinéma qu’une femme noire ne soit pas une victime, qu’elle ait un mari sympa et qui l’aime. J’ai sauté sur l’occasion ! »

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