« Rien ne pourra me couper les ailes »

Malgré les attentats perpétrés au Mali, à Paris et au Nigeria, rien n’aurait pu empêcher la styliste Moinécha Hariti, retenue pour le concours jeunes créateurs au Festival de la mode en Afrique au Niger de s’envoler. Rien, sauf le report du FIMA, pour raisons de sécurité. Mais ce n’est que partie remise.

Photos Glitter/6e Salon de la mode de Mayotte avec ALCOI

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Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris, alors que vous vous apprêtiez à embarquer, que le Festival international de la mode à Niamey, avait été reporté suite aux attentas ?

Au début, j’ai ressenti une immense déception : des financements et des heures de travail gâchées parce qu’on n’a plus la liberté d’exister, d’évoluer… J’étais en colère ! Soulagée aussi puisque j’avais la pression de mes proches qui me rappelaient, à chaque fois que je les avais au téléphone, ce qui se passait dans les pays voisins du Niger et surtout l’horreur vécue à Paris. Mais j’avais tellement envie de participer à ce festival que je m’y serai rendue sans hésiter si le gouvernement Nigérien n’avait pas pris la décision du report. Mais quoi que fassent les terroristes, rien ne pourra me couper les ailes…

Vous mêlez inspiration mahoraise, indienne et occidentale ? Vous dites d’ailleurs que le métissage est votre spécialité ?

Dans le monde actuel, nous côtoyons tant de cultures que nous ne pouvons ignorer. Le métissage devient naturel et quotidien mais moi je l’accentue dans mes modèles puisque c’est un moyen de faire connaitre ma culture, ma tradition et mon savoir-faire, d’où mon défilé « Ma tradition et moi » où je montre les différents moments de mon histoire par rapport à l’évolution vestimentaire mahoraise. Je suis une mahoraise éduquée par un père qui m’a transmis des valeurs occidentales et une grand-mère paternelle qui m’a offert le côté traditionnel lorsque j’allais en vacances chez elle. Ainsi, je ne fais que transmettre ma tradition et selon Gérard Lenclud (NDLR : anthropologue, Directeur de recherche honoraire au CNRS, et membre du Laboratoire d’Anthropologie sociale):« la tradition est un morceau de passé taillé à la mesure du présent ».

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Vous mixez également matières traditionnelles et coupes modernes ?

Je mélange beaucoup en effet : les matières traditionnelles et les coupes modernes, les tissus récents et les coupes ou techniques de nos aïeux, les étoffes du jour et les matières traditionnelles…

Qui préférez-vous habiller, les hommes ou les femmes ?

J’habille plus la femme, mais l’homme m’intéresse aussi malgré la quantité insignifiante de cette clientèle. La femme est plus attirée par le changement et la diversité, donc j’ai un bon retour pour mes créations. Je me donne pour objectif d’habiller autant d’hommes que de femmes. Étant fille du seul tailleur professionnel de l’île pour l’homme, je ne peux que continuer le travail de mon père. J’y travaille déjà, j’ai commencé par le sur-mesure pour les mariés et je suis en train de créer une collection dédiée à l’homme.

Pensez-vous que votre style puisse séduire un jour la clientèle européenne ?

Bien sûr, à partir du moment où c’est moderne et multiculturel. C’est l’étape à franchir à partir en 2016 : participer aux différents salons afin de faire connaître ma marque HARITI M.

 

A la tête de votre entreprise, vous avez également impulsé l’association PAM, les Passionnés de l’artisanat mahorais, un préambule à la création de l’espace de coworking, « mais en plus grand et plus diversifié sur les corps de métier », pouvez-vous nous en dire plus ?

PAM regroupe une dizaine d’artisans qui, pour la plupart, travaillent directement avec moi autour de la mode et la décoration. Certains n’ont pas de locaux ; la création de l’espace de coworking rend service, nous permet de mutualiser nos moyens et d’échanger les clients. Cette association m’aide aussi à créer mon réseau de professionnel : coiffure, maquillage, couture, décoration, vannerie. Ainsi, pour participer au FIMA, quatre artisans équipières faisaient partie du voyage : une coiffeuse, une esthéticienne, une maquilleuse traditionnelle, une couturière. Nous avons souvent des actions communes pour faire connaître nos métiers et valoriser nos savoir-faire.

 

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