Charline Effah: Arrêtons d’ignorer la mixité!

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Gabonaise installée à Paris où elle obtint un doctorat en lettres modernes, Charline Effah publie « N’être » après le très beau « Percées et chimères ». Pour nous, elle revient sur la place de la femme, en Afrique, et en Europe.

Votre premier roman Percées et chimères évoquait l’immigration, les rêves d’Europe et les espoirs déçus. Quel regard portez-vous sur la situation des immigrés en France aujourd’hui ?

Les mouvements migratoires ne sont pas une invention moderne. La France n’est pas une exclusivité même si la médiatisation et la politisation de ce phénomène semblent avoir l’ambition d’en faire un bouc émissaire. L’autarcie et ses variantes déguisées sous les vocables de nationalisme ou de patriotisme outrancier ne sont envisageables qu’au pays des bisounours. Il y a un sérieux problème quand on parle d’immigrés en France, c’est que l’on survole les véritables interrogations. Ce qui intéresse? ce sont les constats concernant l’immigration grandissante mais jamais on ne se penche sur les causes politiques, sociétales, le déséquilibre d’un modèle économique nord-sud qui n’octroie pas de véritables perspectives pour les pays présentés à tort comme étant sous-développés.

Et sur celle des femmes, qui restent les personnages principaux de vos romans?

Il y a eu des évolutions et je suis est très reconnaissante envers tous ces pionniers et ces pionnières qui ont œuvré en faveur des droits des femmes. Pour le cas de la France, c’est en 1944 qu’est acquis le droit de vote et d’élligibilité des femmes. Et c’est à partir de 1965 que les femmes mariées peuvent exercer une profession sans l’autorisation de leur mari. Avec tout ça, je me dis qu’on vient de loin. Par respect pour ceux qui ont participé à tracer ce sillon, par solidarité envers ces femmes qui sont encore mariées de force, excisées, sous-payées, le féminisme devrait être l’affaire de tous. Pour cela je pense qu’il est important que l’on sorte les consciences de cette amnésie, cette ignorance des chemins empruntés par les mouvements féministes. Les acquis d’aujourd’hui sont les résultats des combats d’hier. A nous, femmes et hommes modernes, de faire en sorte que demain pour le même emploi hommes et femmes aient le même salaire pour ne citer que cet exemple.

« La femme africaine est forte, je ne m’inquiète pas pour elle! »

Le magazine Elle a sorti récemment un reportage sur la femme noire en France ? A votre avis, les choses évoluent-elles dans le bon sens ?

Pour que les choses évoluent, il faut que l’on arrête d’ignorer la mixité. L’évolution du statut de la femme noire en France dépend de l’évolution du statut de l’homme (avec grand H) noir. C’est la capacité à intégrer le paradigme d’une société colorée qui est le premier pas vers une redéfinition des places et des rôles.

 « Ces crèmes éclaircissantes que tu utilises, cet outrage que tu fais subir à ta peau pour te rapprocher de la couleur de ta femme, ce mépris de toi et de ce que tu es ! Je n’ai pas besoin de t’insulter car tu t’en charges toi-même ! » ; cette citation de votre ouvrage nous ramène au mythe de la femme blanche, quelle signification lui donnez-vous ?

La citation va plus loin que le mythe de la femme blanche. C’est un regard porté sur la question de la quête d’une altérité au contact avec l’autre, une altérité édulcorée, hybride et en construction.

Avec votre ouvrage « n’Etre », vous abordez le difficile sujet de l’adultère avec pour toile de fond la France et le Gabon. Comme dans votre premier roman, pourquoi ?

Le Gabon n’est pas explicitement évoqué dans N’être. La France oui. Je m’intéresse beaucoup aux identités hybrides et il est important pour moi d’inscrire mes personnages dans des univers opposés pour dire cette hybridité d’une part. D’autre part, parler de l’adultère de cette manière me permettait d’universaliser la question et de ne pas prendre des risques de tomber dans les clichés en stigmatisant telle communauté plus qu’une autre.

 Quel avenir pour les jeunes femmes en Afrique aujourd’hui ?

 La femme africaine est forte, battante et foncièrement courageuse. Je ne m’inquiète pas au sujet de son avenir.

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